Le Camembert est un produit-phare de Normandie et fait partie intégrante du patrimoine français. Nous pouvons en être fiers.
On ne sait pas toujours qu’il demande un savoir-faire énorme, que ce soit du côté des producteurs de lait cru que du côté des fromagers.
Nous avons eu la chance de partir en Normandie et d’assister à une partie de la production des Camemberts de Normandie de la fromagerie Gillot, une entreprise familiale indépendante installée en Normandie depuis 1912.
Nous ne mangerons plus jamais un Camembert de Normandie de la même manière:-)
Qui dit Camembert de Normandie dit AOP (Appellation d’Origine Protégée) et donc un cahier des charges strict qui régit aussi bien l’élevage des vaches laitières que la fabrication du fromage.
Avant de vous plonger dans cet article, je vous invite à lire celui sur la différence entre Camembert de Normandie et camembert fabriqué en Normandie.
C’est parti pour la visite ?
Le lait cru chez les producteurs
Un camembert de Normandie est constitué à 98 % de lait cru, autant vous dire que le travail des éleveurs est vital. Dès que l’on parle de lait cru, il y a une vraie technicité des éleveurs qui travaillent par exemple l’herbe afin que le lait soit plus riche en matières grasses et en protéines, éléments propices à un bon fromage.
Qui dit lait cru dit micro-organismes qui sont bons pour nous mais aussi qui donnent arômes, textures et cette typicité au Camembert. Les mesures d’hygiène sont draconiennes pour conserver les bons micro-organismes et détecter les mauvais.
Le lait utilisé par Gillot provient de producteurs qui ne sont pas à plus de 30km à la ronde de la fromagerie. Gillot s’engage aussi à acheter le lait à un prix minimum garanti, en plus de primes liées au travail pour répondre aux exigences du cahier des charges AOP. à l’avance beaucoup plus important que celui garantit par les industriels.
Le surplus de lait cru qui ne sera pas utilisé pour la fabrication des fromages, sera pour une partie micro filtré et vendu en grandes surfaces. Il y a encore de la flore, ce qui veut dire qu’il reste vivant. Il est parfait par exemple pour faire des yaourts maison et les desserts.
Depuis mai 2017 l’AOP exige que plus de 50 % des vaches du troupeau soit de race normande. Les producteurs de lait qui travaillent avec Gillot en ont 70%. Il faut savoir que les vaches normandes fournissent un lait parfait pour la fabrication du Camembert. Il est plus qualitatif mais en revanche, les vaches de race normande produisent moins.
Le lait cru chez Gillot
Le lait cru arrive chaque matin chez Gillot en direct des producteurs. Il est testé chez eux puis chez Gillot. Les laits sont séparés dès la source selon leur destination (Camembert bio de Normandie, Camembert de Normandie, etc.). C’est important en cas de problème, pour écarter seulement un lot et aussi pour des questions de traçabilité. On commence par sortir le lait des tanks (cuves posées sur les camions) puis on l’écrème pour avoir 45 % de matières grasses, soit 115 g d’extraits secs par fromage.
Maturation du lait et caillage
On ajoute des ferments lactiques dans le lait et on le laisse maturer lentement pendant 16 heures. Cette étape est vitale pour le développement des saveurs.
Après cette étape de maturation, soit le lendemain matin, on contrôle son acidité qui va jouer sur le caillage puis le lait est chauffé à 36°C. Il est réparti dans des bassines de contenances équivalentes et on ajoute la présure qui permet de faire cailler le lait. C’est la base de tout fromage. Le processus du caillage prend 1 h 15/30.
De l’importance du moulage manuel à la louche
Une fois le lait caillé, c’est un travail de précision, de gestion du temps et de l’espace qui démarre. La main de l’homme et de la femme y a toute son importance pour la typicité du camembert de Normandie. Ce moulage à la louche fait partie intégrante du processus de fabrication du Camembert de Normandie. Il faut un mois de formation pour avoir le bon geste.
Les regarder faire, c’est comme d’assister à un ballet où chaque personne est concentrée sur ses gestes. Le responsable de la fabrication nous raconte que lorsque les personnes partent en vacances, il faut presque 2 jours pour retrouver le bon geste.
Les fromagers commencent par sabrer le caillé dans une bassine en deux fois et verticalement pour séparer le caillé sec du petit lait. C’est parti ensuite pour le premier moulage sur une table remplie de moules.
Les fromagers déposent une première louche dans chaque moule. Le geste est important. Il faut déposer le caillé et non pas le laisser tomber. Si on éclate le caillé en le laissant tomber, la vitesse d’égouttage augmente et risque de donner des produits trop secs.
50 minutes plus tard, on dépose une seconde louche de caillé après avoir sabré le caillé dans une seconde bassine. En tout il y aura 5 passages à des intervalles de temps très précis. Comme je le disais l’ensemble donne l’impression d’un ballet bien orchestré, histoire que le temps entre chaque louche soit le même pour chaque moule.
Saviez-vous que chaque fromager a sa propre louche adaptée à sa personne et à son geste ?
Rabattage du caillé puis on retourne les fromages
Après le moulage, on rabat les petits bouts de caillé qui sont restés sur les côtés. Le soir après les 5 moulages du matin et un égouttage naturel (les moules sont percés), on retourne les fromages afin de continuer l’égouttage, puis ils sont plaqués à l’aide d’un cercle en métal. Il faut un sacré coup de main.
Démoulage et salage
Le lendemain matin, soit J+2 après l’arrivée du lait, place au démoulage puis au salage sur la première face, la seconde puis sur le contour du Camembert. Le sel est important pour les saveurs du produit fini mais il permet aussi de terminer l’égouttage par un phénomène d’osmose et le développement du pénicillium qui va donner la croûte caractéristique du Camembert.
Hâloir pour affinage des camemberts
24 heures après le salage, les Camemberts partent dans une pièce appelée hâloir dans lequel ils vont rester 14 jours. Après la période de maturation du lait du début, c’est là que les arômes du Camembert continuent à se développer. Mais ce n’est pas tout : le pénicillium posé sur la surface va se développer et former comme un duvet blanc sur chaque camembert. Le duvet est ensuite lissé à la main par les fromagers et là, oh miracle, la croûte apparaît. Elle va se transformer ensuite à la maison avec des marbrures plus ou moins orangées.
Il ne reste plus qu’à les emballer, à démarrer leur affinage pendant 7 jours puis à les expédier, soit en grande surface, soit en magasin bio, soit chez des fromagers, à la coupe.
Bon à savoir : la fromagerie Gillot propose à ses clients des affinages différents en jouant sur les températures durant les 7 jours entre l’emballage et l’expédition.
En conclusion
Un camembert de Normandie de chez Gillot, c’est 2,3 litres de lait cru brut vivant, non chauffé et non traité, des ferments lactiques, de la présure et du sel. Il y a 98 % de lait dans un camembert. A la fromagerie Gillot, un fromager fabrique 1100 camemberts par jour. Ils ont un savoir-faire, des gestes et un respect du caillé, la base du fromage. Chez les industriels, 9600 camemberts sont fabriqués par heure, tout est automatisé, d’où la différence de prix.
Saviez-vous que la vie d’un Camembert est de 58 jours maximum, ce qui est court pour un fromage, non ?