
@Géraldine Martens
“Quand j’étais petit, je n’aimais pas ça (...) Pourtant à chaque Noël, il fallait en manger, c’était horrible” confie Piotr Korzen le chef du restaurant Makta à Paris qui propose une cuisine polonaise moderne et franche. Aujourd'hui, cette soupe est l’un de ses plats phares à la carte. “Quand j’ai vraiment commencé à travailler en cuisine, j’ai été obligé de goûter de nombreux plats et j’ai réalisé que la betterave, c’était en fait bien bon”.
Comme pour la blanquette de veau ou le bœuf bourguignon chez nous, il existe autant de versions que de familles : “Ce sont des recettes qui sont transmises de grand-mère à mère et même si la version la plus connue, c’est le bortsch à la betterave”. Dans les pays de l’Est comme la Pologne, c’est même un plat de fêtes servi lors de grandes occasions comme à Noël ou encore pour les baptêmes ou les communions. Pour préparer un bon bortsch, ce n’est pas très compliqué, il faut juste faire preuve d’un peu de patience.
Comment bien préparer son bortsch ?
Tout commence par le bouillon, il se prépare avec plusieurs types de viande. En effet, entre le bœuf et le porc, pas besoin de faire un choix, prenez les deux. C’est le conseil du chef. Le plus important est d’opter pour de jolis morceaux de viande. Pour le bouillon, la queue de bœuf est idéale ainsi que la poitrine de cochon fumé. “Cela apporte des arômes en plus. Ce sont des morceaux que l’on peut facilement récupérer, c’est gourmand et goûteux donc pour le bouillon c’est ce qu’il y a de mieux” affirme le chef.
Et n’oubliez pas “on utilise les morceaux de gras” précise le chef. Ensuite, on ajoute les légumes, une garniture aromatique avec de la carotte, des oignons, du céleri et vous les faites cuire dedans. “Nous on aime bien aussi dans ma famille ajouter des épices en plus comme des clous de girofle, du poivre noir ou encore de l’anis étoilé…”. C’est grâce à ces épices que la version végétale du bortsch va elle aussi avoir beaucoup de caractère et de saveurs. Une fois tous les ingrédients mélangés, il faut simplement passer à la cuisson.
“Le bortsch ce n’est pas compliqué à réussir mais il faut une maîtrise du temps et de la technique car souvent la betterave, c’est assez complexe à cuire. Si on la cuit trop longtemps, elle va devenir rouge fade. C’est moche. Nous on veut avoir un bortsch avec une jolie couleur rouge pétante. Pour cela, on la cuit délicatement sans la faire bouillir. Au moment où on sent qu’elle commence à cuire, on ajoute une cuillère de vinaigre. Une cuillère de vinaigre blanc qui va alors stopper un peu la cuisson et garder les couleurs. Pour moi le plus important pour réussir le bortsch rouge, c’est d’ajouter de la betterave et du vinaigre à mi cuisson pour garder la couleur car un bortsch qui est un peu sexy il faut que ça soit bien rouge. On continue un peu la cuisson pour que cela devienne plus tendre. Si on avait mis le vinaigre en début de cuisson, cela l’aurait stoppée et la betterave aurait mis des heures et des heures à cuire. Là, le but c’est de la cuire délicatement ”.
À noter, selon la viande que vous allez choisir, le temps de cuisson sera différent. Un bortsch à la volaille prendra environ 3 heures. Si vous faites un bouillon avec de la viande, cela est bien de le faire cuire pendant 5 à 6 heures afin “que la viande se relâche un peu pour que le collagène ressorte des os. C’est important de le respecter ” précise le chef.
En revanche, penser à ajouter les légumes en fin de cuisson, pour qu’ils cuisent entre 1h et 1h30 juste pour infuser le bouillon.
L’erreur à ne pas commettre est de le faire bouillir. L’eau doit être environ à 60/70 degrés afin de laisser le bouillon frémir délicatement. Lorsque vous ajoutez les betteraves, vous pouvez mettre le feu un peu plus fort pour que les betteraves froides chauffent, mais pas plus.
Une version sans viande ?
Comme on vous le disait précédemment, le chef précise que ce plat connait également une version sans viande réalisée à partir de champignons séchés et plus d'épices que la recette traditionnelle. “Il sera plus léger que celui à base de viande mais on peut compenser avec des ingrédients avec lesquels on va servir le bouillon. En Pologne, il existe des liquides de fermentation de betterave - nous on fermente notre betterave nous même avec de l’eau, du sel et de l’ail. On va d’avantage ajouter notre liquide de fermentation pour apporter plus de caractère - on ajoute également un peu de lait fermenté comme le lait ribot. A la fin, on met en plus du vinaigre pour avoir un côté plus intense en goût et relever l’ensemble”. On peut également déposer un peu d' huile végétale avant de le servir pour parfaire le plat.
En été, on mange aussi du bortsch
Pour l’été, pas question de servir le bortsch chaud. C’est glacé qu’il se déguste et concurrence ainsi les nombreuses soupes froides proposées en été. Pour le chef, il n’y a pas de débat, les autres recettes ne font pas le poids à côté : “le gaspacho espagnol c’est nul à côté de notre bortsch”. On le sert avec un mélange de radis, de betterave et de concombre. C’est plutôt des légumes d’été. On va moins mettre de légumes d’hiver mais on reste dans le même esprit avec la betterave.
Comment bien déguster son bortsch ?
Une fois cuit, on peut déjà le manger tel que après ajout de betterave. Sinon, vous pouvez enlever la viande et les légumes. Afin d’utiliser ces derniers en macédoine par exemple et la viande pour des raviolis pierogi. “Ensuite on peut le manger tel quel comme un bouillon rouge ou sinon avec justement des petits raviolis” pour un plat plus copieux.
“Pour la version chaude, on fait des raviolis polonais - on récupère nos morceaux de poitrine de cochon et on s'amuse à faire une petite farce, des herbes, du sel poivre etc.. et on fait une pâte à raviolis - on les cuit à l'eau et on sert ça avec le bortsch".
Pour la version végétale, "on récupère les légumes du bouillon, on peut faire une petite farce avec des carottes et du chou".
“Chez nous en Pologne, c’est plus une soupe, un bouillon que l’on va manger avec des petits raviolis, des haricots, des pommes de terre et des œufs”. A l’inverse, “le bortsch ukrainien c’est cuit de la même manière avec moins d’eau pour concentrer les goûts et on le sert plutôt avec des pièces de viande, des pommes de terre, des œufs et juste on arrose un peu avec du bouillon”.
Mais attention, tous les accompagnements ne sont pas bons à prendre : “ Je ne vais pas accompagner un bortsch avec des vermicelles. C’est hors de question. Ni du riz par exemple. Je ne l'ai jamais vu”.
Avec quelle boisson déguster son bortsch ?
Pour profiter pleinement de son bortsch, faut-il encore bien l’accompagner ! Pour cela, la boisson que l’on choisit s'avère déterminante. Pour ceux qui souhaiteraient boire de l’allcool, le chef conseille de miser sur du vin rouge comme le Pinot Noir qui est un vin “assez acidulé, très léger car pour la soupe, le vin tanique n’a pas vraiment d’intérêt. Là, il vaut mieux partir sur un vin léger et fruité”. L’association est parfaite.
Et pour ceux qui préfèrent opter pour une boisson sans alcool, le chef conseille le kombucha aux fruits rouges, une boisson fermentée, très populaire ces derniers temps.
Pour se lancer dans la préparation de son bortsch maison, n'oubliez pas que celui-ci se conserve 3 jours maximum. Au-delà, vous prenez le risque qu’il perde sa couleur. N'oubliez pas non plus de respecter la chaîne du froid. Alors prêt à tester le borscht ?