En cette mi-avril, l’odeur des fleurs d’oranger est magique dans le verger de l’Agrumiste.
Les arbres sont en fleurs, normal, c’est le printemps. Il reste néanmoins beaucoup de fruits sur les branches grâce à la biodiversité : des oranges, des cédrats (le cédrat est la maman du citron), des mains de bouddha (famille du cédrat), du citron caviar, des combavas mais aussi des clémentines et des pomelos car certaines variétés sont tardives. Il faudra attendre l’automne et l’hiver pour retrouver le yuzu, un agrume japonais mais aussi le citron caviar, les mandarines ou les pomelos géants.
La ferme de l’Agrumiste n’est pas qu’un simple verger de 100 ha à ciel ouvert riche de 100 000 arbres et de plus de 200 variétés dont les chefs sont friands pour sublimer leur cuisine. C’est une histoire de passion.
Laurent Boughaba, son créateur, est franco-marocain, né à Fès avant de partir en France à l'âge de 12 ans. En parallèle de son travail dans l'immobilier, il a eu à coeur de retrouver ses racines. Un de ses grands pères était arboriculteur près de Fès et produisait des olives. Finalement, pas de champs d’oliviers pour Laurent Boughaba mais un immense terrain vierge près de Fès au Maroc. Il l’achète dans l’idée d’y cultiver des agrumes. Le terroir de sa région natale est particulièrement propice à cette culture. C’est une terre d’agrumes. Nous sommes dans un pays méditerranéen, les agrumes du Japon ou d'Australie s’y sentent bien.
Fou de cuisine, il adore les agrumes. Il rencontre des grands chefs parisiens comme Pascal Barbot à L’Astrance et Alain Passard à L’Arpège, des spécialistes de l’INRA, ainsi que Michel et Bénédicte Bachès, producteurs d'agrumes. Tous lui donnent encore plus le virus des agrumes et de la biodiversité.
“Pourquoi l’agrumiste ? C’est son fils alors âgé de 5 ans qui a trouvé ce mot alors qu’on lui demandait quel métier exerçait son père.”
En 2010, le terrain de la future ferme de l’Agrumiste est à lui. Commence alors un gros travail pour imaginer le verger, il s’aide pour cela de son ami Camille Jacquemond, expert mondial à l’INRA de la culture des agrumes. Il faut aussi construire des bâtiments, faire venir l'électricité, installer des pompes puis un système d’irrigation.
Dans cette région du Maroc, le climat continental convient parfaitement bien aux agrumes. La présence du fleuve l’Oued au coeur de la ferme et d’un immense bassin permettent d’irriguer les buttes grâce à un système ultra sophistiqué d'irrigation en goutte à goutte mis au point par une entreprise israélienne. Les 500 km de tuyaux sont enterrés pour économiser 20% d’eau et d’électricité. Ils disposent d’un système très astucieux qui évite que le goutte à goutte ne se bloque.
“Saviez-vous que c’est l’amplitude de température dans la journée qui fait que les agrumes se colorent ?”
En 2013, c’est le début des plantations, la première récolte arrive en 2014.
Depuis 4 ans, Julien Ganteil, ingénieur agronome qui a travaillé sur la vanille à Madagascar mais aussi sur le café au Nicaragua est à ses côtés. Il est responsable de l'exploitation agricole. Il dirige une équipe d’une vingtaine de personnes à l’année sans compter ceux qui interviennent ponctuellement lors des récoltes. Il faut faire preuve de beaucoup de travail et de rigueur avant que les agrumes arrivent à notre table. Il faut élaguer chaque arbre pour que les rayons du soleil puissent accéder aux fruits mais aussi augmenter la qualité des fruits. Il faut désherber les 250 km de buttes à la main mais pas trop non plus. Il ne faut pas détruire l’écosystème qui permet de faire vivre tout un tas de petites bêtes comme les escargots qui font leur vie loin des buttes, évitant ainsi de traiter les arbres. Le choix de l’agriculture raisonnée se fait dès le départ pour préserver la biodiversité et le vrai goût des agrumes.
Derrière le mot “agrume” se cachent des centaines de variétés
En visitant ce magnifique verger, on comprend rapidement qu’il ne faut pas parler de citron, d’orange ou de clémentine au singulier car il y a tout un tas de variétés. Elles se différencient par leurs saveurs mais aussi par leur période de récolte dans l’année, leur peau plus ou moins fine, leur chair plus ou moins juteuse, la présence de pépins ou non, la facilité de les éplucher mais aussi le fait de pouvoir rester sur l’arbre sans se gâter.
Saviez-vous qu’il existe dans le monde 4000 variétés d’agrumes toutes issues de ces 4 variétés ancestrales : papeda, pamplemousse, cédrat et mandarine ?
L'objectif de L’Agrumiste est aussi de développer de nouvelles variétés. Ce n’est pas dans un souci de productivité comme c’est parfois le cas dans l’agriculture mais par amour de la biodiversité, de belles découvertes gustatives mais aussi pour avoir des fruits sur l’arbre sur une grande amplitude dans l’année.
Il se trouve que les agrumes ont par nature une grande facilité d’hybridation. Dans ces 3 dernières années, 100 croisements ont été faits sur la ferme, un peu sur le même principe que pour la vanille. Les pépins issus des variétés croisées sont plantés. Ils contiennent l’ADN de la nouvelle variété. Ils sont un peu les bébés de cette union. La mini pousse obtenue est ensuite greffée en mai et juin quand il y a une montée de sève dans les arbres sur un porte-greffe. Ce travail très délicat qui demande un doigté exceptionnel est fait par des greffeurs professionnels. Si la variété convient, on teste sur 1 ha, puis selon les récoltes sur une surface encore plus grande. Tous les essais sont conservés dans une sorte de banque qui va constituer une collection vitale pour développer la biodiversité.
Agrumes et saisons chez L’agrumiste
Les agrumes sont cueillis à la main et à maturité, ce qui fait toute la différence dans nos assiettes. Les saveurs sont intenses et les chefs ne s’y trompent pas. Nicolas Hensinger récemment étoilé au Prima Mégève et Lucas Felzine, chef à l’Uma Paris ont d’ailleurs fait le voyage pour découvrir tous les secrets qui se cachent derrières les agrumes de chez L’agrumiste qu’ils subliment chaque jour dans leurs restaurants.
C’est d’Octobre à Janvier qu’il y a la plus grande diversité d’agrumes sur la ferme.
De Septembre à Janvier : les clémentines
De Septembre à Février : la grande famille des cédrats comme la main de bouddha par exemple.
En Novembre et Décembre : les agrumes de diversité comme le Yuzu, le citron caviar, la famille des kumquats, le tangelolo ou le Dekotchin.
En Décembre : les bergamotes, les pomelos Hassaku et les vraies mandarines d’antan, sans pépins.
De Novembre à Juin : La Cambria (famille des navels) ou des variétés tardives comme la Valencia Late (famille des oranges).
En juillet et en Août : les citrons (lime, combava et sudachi japonais).
Où trouver les agrumes de chez L’Agrumiste ?
Le conditionnement et la distribution sont entièrement gérés par l’Agrumiste pour assurer un temps record entre récolte et livraison des clients, sans stockage à la ferme. Ils sont vendus en France aux professionnels par les Vergers Saint-Eustache, primeur d'exception à Rungis.
La bonne nouvelle, c’est qu’une boutique l’Agrumiste va ouvrir à Paris, fin 2019/début 2020. Les particuliers pourront acheter un grand nombre de variétés d’agrumes non traités mais aussi des produits dérivés (citrons confits, sorbets, confitures, etc.).
Nous avons hâte de découvrir cette boutique parisienne.
Merci à toute l’équipe de L’agrumiste pour cette visite magique à retrouver aussi sur leur page Facebook et leur compte Instagram.