Il est interdit en Europe depuis 2019, mais on en retrouve encore la trace, et dans l’eau que beaucoup d’entre nous consomment. Ce jeudi 6 avril, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) alerte sur la qualité de l’eau potable distribuée dans les foyers français : elle serait contaminée à vaste échelle par les résidus de chlorothalonil, un pesticide classé cancérigène probable depuis 2018.
Des chiffres préoccupants
Sa présence est générale, à plus ou moins grande échelle. Dans un rapport que Le Monde a pu consulter avant sa publication, l’Anses alerte sur le niveau alarmant de concentration de résidus de chlorothalonil dans l’eau potable que nous consommons.
Selon les chiffres de l’Anses, près de 34% de l’eau qui est distribuée en France serait non conforme à la réglementation sur le seuil autorisé de R471811, le nom scientifique de la molécule issue de la dégradation du chlorothalonil. Et le pourcentage pourrait être sous-évalué, car le test mené par l’Anses concerne seulement un échantillon de réseaux de distribution d’eau potable.
Si l’ampleur de la contamination reste à déterminer avec plus de précision, à ce stade les premières remontées ne sont pas rassurantes. Le Monde signale ainsi le cas du Bassin Parisien : le syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif) atteste que plus de 3 millions d’usagers, sur les 4 millions qui utilisent le réseau, ont une eau dont la teneur en R471811 est de quatre à cinq fois supérieure au seuil réglementaire. Autre exemple dans le Grand Ouest, Atlantic’Eau, un des services public de l’eau en Loire-Atlantique, explique que 490 000 abonnés sur 550 000 reçoivent une eau non conforme.
C’est quoi le chlorothalonil et le R471811 ?
On parle de l’un des pesticides les plus répandus dans le monde. Il a été utilisé pendant plus de 50 ans en Europe pour ses qualités fongicides avant son interdiction en 2019. En cause : il a été classé comme cancérigène probable depuis 2018 par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Même s’il n’est plus utilisé, on en trouve donc encore les traces dans nos sols et dans nos eaux, et donc dans l’eau du robinet sous la forme de sa métabolite R471811, issue de la dégradation du chlorothalonil.
Cette métabolite est considérée depuis janvier 2022 comme potentiellement problématique par l’Anses et devrait à ce titre rester en deçà d’un seuil réglementaire qui n’est donc visiblement pas respecté dans l’eau que nous consommons, selon le rapport publié aujourd’hui. Toutefois, en l’absence d’étude sur les effets à long terme, l’incertitude règne encore sur la réalité du risque sanitaire.
Pourquoi on n’en parle qu’aujourd’hui ?
La raison est aussi simple que déroutante : R471811 n’était pas recherché jusqu’à récemment. Comme le rapporte Le Monde les laboratoires agréés n'étaient pas tous en mesure de le détecter... Autre problème rencontré : les filières de traitement des eaux conventionnelles n’ont de leur côté pas trouvé la solution pour éradiquer ces résidus de chlorothalonil.
Mettre à niveau les filières de traitement des eaux demanderait des investissements considérables. “On parle à l’échelle nationale de plusieurs milliards d’euros d'investissement qui seront nécessaires”, estime auprès du Monde Régis Taisne, chef du département cycle de l’eau à la fédération nationale des collectivités concédantes et régies. Des investissements qui pourraient à la fin se reporter sur la facture reçue par le consommateur…