Cette année encore, le public de Top Chef a pu redécouvrir la Brigade Cachée. Mais cette fois, ce n’est pas Hélène Darroze qui mène la barque mais bien Pierre Gagnaire accompagné du critique culinaire François Régis Gaudry. Le chef guide et pousse les candidats à donner le meilleur d’eux mêmes. Le dernier qui réussira à arriver jusqu’au bout de toutes les battles aura l'honneur d'intégrer le concours officiel dans la nouvelle brigade de Pierre Gagnaire.
Un vrai challenge pour les participants tout comme pour le chef qui apprécie particulièrement cette place de mentor comme il l’explique dans une interview accordée à Télé 7 jours : “ça m’a amusé de tendre la main aux évincés du concours. C’est un exercice très instructif de tenter de les remettre en selle. C’est un vrai concours de cuisine, avec tout ce que cela comporte d’aléatoire. Il y a toujours une part d’incertitude, qui fait que vous pouvez être très bon un jour et balayé le lendemain, parfois pour des motifs plus ou moins valables”.
Ce que le chef étoilé apprécie particulièrement est en effet d’accorder une seconde chance aux candidats et de ne pas s'arrêter sur un échec. Un leitmotiv qui lui rappelle directement son histoire personnellement : “Moi, j’ai tout perdu en 1996, je ne l’oublie jamais et je ne manque pas non plus de le rappeler, car cet échec a aussi été, et est toujours, ma force”. Mais alors que s’est-il passé cette année-là pour que le chef vive un tel séisme dans sa carrière ? On vous explique tout.
“J'ai été forcé de rentrer dans ce monde-là”
Invité l’année dernière dans le nouveau podcast Top Chef présenté par Stéphane Rotenberg, Pierre Gagnaire s’est confié sur son parcours dans la cuisine. Si aujourd’hui le chef multi étoilé, connu dans le monde entier, est devenu une vraie référence de la gastronomie française, son amour pour la cuisine est en réalité venu sur le tard.
À l’origine, Pierre Gagnaire ne voulait pas être derrière les fourneaux, c’est son père, lui-même restaurateur, qu’il l’a mis sur cette voie. Ainsi, à l'origine, la cuisine est loin d’être un métier de passion pour lui : "N'ayant pas choisi ce métier au départ, j'ai été forcé de rentrer dans ce monde-là, donc c'était surtout une souffrance au départ, je n'avais pas de plaisir". Toutefois, si la cuisine n’était pas sa vocation première, le chef a su gravir les échelons malgré les difficultés qu’il a pu rencontrer au cours de sa carrière. En 1996 notamment, le chef vit son plus gros coups dur.
“Je refuse ces compromis, je me mets donc en liquidation personnelle”
En 1996, cela fait maintenant 3 ans que le chef a décroché sa troisième étoile au Guide Michelin. Si sa cuisine impressionne, les difficultés financières et le manque de clients auront raison de son restaurant à Saint-Etienne qu’il ferme finalement. En effet, si cette ascension était pour lui “le début d’une belle notoriété”, il explique également avoir oublié “que la cuisine n’est pas seulement un art, c'est tout un commerce”.
La réalité a ainsi rattrapé Pierre Gagnaire. La cuisine bien qu’essentielle n’était pas le seul critère a prendre en compte dans sa réussite comme il se confiait à l’époque dans Paris Match :” J’imagine que la seule force de mon travail et la qualité de ma cuisine suffiront... Une erreur gigantesque ! Quand vous êtes restaurateur, vous ne vous contentez pas de faire la cuisine. Vous avez toutes les casquettes : chef d’entreprise, metteur en scène, programmateur... Il faut veiller à tout : la verrerie, les couverts, les fleurs, le nappage. Moi, habité alors par une espèce de folie, je veux aller vite, loin, je veux inscrire mon travail dans l’époque. D’un métier qui m’a été imposé, je veux faire une petite œuvre d’art. C’est une thérapie. Je me veux créateur. Mais, bientôt, l’affaire n’est plus du tout rentable, les banques exigent le remboursement de leurs prêts. Il va me falloir faire des concessions, me plier aux attentes du marché... au risque de perdre ma troisième étoile”.
Mais le chef est tenace et il est impensable pour lui de perdre une étoile, ce qui pourrait entacher la renommée du restaurant : “ Je refuse ces compromis, je me mets donc en liquidation personnelle et dépose le bilan en 1996. Je n’ai plus un sou, plus un ami, plus rien !”.
En effet, il explique dans le podcast avoir pris cette décision un peu sur un coup de tête. C’est en pensant à l’avenir que le chef pris la décision de tout envoyer valser : “ C'est moi qui me rends compte que je vais dans le mur et qui décide avec ma femme de l'époque de tout arrêter. C'est moi qui me suis sabordé. Dans la vie, il n'y a pas beaucoup de décisions importantes qu'on prend, mais celle-là est importante. Je me suis projeté cinq, dix ans plus tard et je me suis dit, 'mais tu vas faire n'importe quoi pour survivre, tu veux faire ce que tu ne voulais pas faire quand tu avais 25 ans, donc j'ai tout fait péter”.
Le chef finit par conclure dans Paris Match qu'heureusement, grâce à un réseau de relation, il réussit à emprunter un peu d’argent et créer sa société. Finalement, malgré son manque d'appétence pour la cuisine au début de sa carrière, Pierre Gagnaire a su rebondir en s’installant à Paris et à retrouver ses trois étoiles en 1998 rue de Balzac pour devenir un pilier de la gastronomie française aujourd’hui.
Comme le confie le chef : “Il faut toujours garder en tête que tout peut s’arrêter du jour au lendemain”.